NATURE – L’histoire de Pyrène

De retour d’un séjour dans les Pyrénées, c’est l’occasion de partager la légende de la jeune et belle Pyrène, dont découle le nom des ces immenses et majestueuses montagnes. Officiant de frontière naturelle entre la France et l’Espagne, tout en reliant l’océan Atlantique et la mer Méditerranée, voici leur histoire…
Par Mickaël M
Article paru en décembre 2015 dans le magazine Mouvements Libres n°2
“Pyrène”, ce nom vous évoque-t-il peut être quelque chose ? Alors, laissez-moi donc vous conter cette magnifique histoire, tirée de la mythologie grecque et inspirée par les veillées de nos contrées, tout cela avec une petite pointe de vieux français, comme il se narrait autrefois…
Il y a fort longtemps vivait un peuple qui s’appelait les “Bekrydes”. Le souverain Bebryx avait établi son royaume sur un territoire situé entre les pays de France et de Navarre, dans une grotte si vaste qu’une journée entière ne suffirait pas à en faire le tour. Situé entre deux terres et deux mers, riche de plaines et de rivières, l’endroit lui paraissait propice au développement de son peuple.
Pyrène, la fille du souverain, une très jolie jeune fille blonde aux yeux éclatant, si belle et si douce, que l’ensemble des rois et seigneurs des régions environnantes se querellaient sans répits afin de la courtiser. Vil de toutes mesquineries face à l’adversaire, comme chaque homme d’une part fort épris, mais doté en plus de certains pouvoirs hiérarchiques qui les confortait dans leur orgueil. Mais aucun d’entre eux, aussi vieux et fourbes soient-ils, ne troubla le cœur de la jeune fille. Elle ne s’y intéressait guère à vrai dire. Un songe lui revenait sans cesse, chaque nuit, celui d’un beau jeune homme, aux traits doux et vaillant à la fois, au regard perçant avec de beaux cheveux bruns et longs…
Les tâches de son quotidien lui plaisaient, dotée d’une grande dextérité à la quenouille, elle s’adonnait avec passion au filage. On l’initiait également dans les tâches de lavandière, de forts moments agréables qu’elle aime partager avec les autres femmes du village. Au bord de la rivière et au frais d’arbres, elle riait des facéties de ces compagnonnes imitant les bougonnements de leur mari. Le labeur lui semblait moins pénible et moins lassant dans le plaisir et la joie. Elle se régalait de ces instants.
C’est alors qu’un beau matin, un jeune homme surgit de la forêt à vive allure sur sa monture et traversa la rivière en direction du village. Curieuse et intriguée, elle se dispensa quelques minutes et alla voir à la hâte ce qui s’y passa. Arrivée sur place, qui s’agit en réalité d’une vaste esplanade située à l’entrée d’une immense grotte avec quelques habitations, elle y découvre sur le pas de sa maison, le jeune homme discutant avec son père. Elle s’approcha, mais le jeune homme sans lui prêter attention remonta à nouveau sur sa monture en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et hop ! il repartit… Déçue de n’avoir pu rencontrer ce jeune homme, elle alla toutefois questionner son père :
– Pyrène : « Père ! Mais dites-moi, qui était-ce ? »
– Bebryx : « Hé bien, que t’arrive-t-il mon enfant ? Et que fais-tu donc ici ? Ne devrais-tu pas être à la rivière ?! » s’exclama le père surpris de voir sa fille quelque peu essoufflée, les pommettes écarlates et presque en nage.
– Pyrène : « Heu… Je venais chercher du savon père, nous en manquons pour le linge… »
Connaissant bien sa fille, il comprit vite de quel engouement elle était atteinte. Il avait bien vu le matin à son départ que le panier contenait assez de savon pour laver jusqu’à la dernière poule du village, il n’est pas dupe, mais répondu tout de même à ses questionnements :
– Bebryx : « Et bien il s’agit d’Hercule, un jeune homme bien connu pour sa force, il cherche deux bœufs à cornes qui se sont enfuis dans les montagnes. Galopant depuis déjà un bon moment au travers des chemins, il mourrait de soif. C’est pourquoi il s’est arrêté pour me demander une écuelle d’eau, ce que n’ai pu lui dénier bien sûr. »
– Pyrène : « Ah bon… », répondit la jeune fille, à la fois surprise et profondément déçue… « Mais d’où venait-il ? » relança-t-elle.
– Bebryx : « Il vient de la cité de Mycènes en Péloponnèse, il est chargé de rapporter comme trophée des bœufs à cornes, défendus par un molosse à deux têtes et un dragon à sept gueules, il appartient à Géryon, roi d’Erythie, une contrée d’Espagne non loin de la mer. »
Perturbée par cette nouvelle, elle remercia son père courtoisement, tourna les sabots, attrapa un savon pour étayer son petit fabliau et s’en retourna à la rivière. Tout à coup, en remontant le petit sentier, elle poussa un cri de surprise en se retrouvant face à Hercule, à la croisée du chemin qui redescendait, deux bœufs en bout de corde, un sourire si troublant qu’elle en perdit tous ses moyens. Elle sentit tout à coup le sol se dérober sous ses pieds et se retrouva fixe comme une statue arborant les grandes voies de circulation. Toute tremblotante, les yeux débordant de passion. Il y avait là, devant elle, l’homme qui apparaissait dans chacun de ses songes, avec ses beaux cheveux longs brun noisette, les yeux pleins de forces et de courage, c’était lui ! lls s’échangèrent quelques banalités au grand ravissement de Pyrène, qui subjuguée par cette rencontre, se laisse ensuite aller à une douce rêverie, tout le reste de l’après-midi.
Ayant enfin capturé ses bœufs à cornes dans la montagne, Hercule de son côté s’en retournait dans ses prairies. Mais ayant lu dans les yeux de la troublante belle jeune fille et ayant lui aussi succombé à ses charmes, il comprit vite et revint la voir à la nuit tombée. Pyrène et Hercule prirent le temps de se découvrir et se parlèrent longuement jusqu’au petit matin : « J’aimerai tant que tu restes ici, tu pourrais alors devenir berger, nous aurions le plus beau troupeau du pays ! », dit Pyrène en se voyant déjà filer la laine… « Je protégerai les moutons des loups et des ours. Le soir, tu entendras mon appel quand je rassemblerai le troupeau et tu sauras alors que je ne tarderai plus… », lui répondit Hercule, se projetant aussi aisément dans ce doux parfum de bonheur.
C’est alors qu’ils se revirent le lendemain, puis le surlendemain, et ainsi tous les autres jours suivants, auprès de leur rocher qu’ils avaient choisi loin de tout regard. Ils se découvraient, s’apprenaient, se promenaient en forêt, se baignaient dans les torrents lorsqu’il faisait chaud. « L’automne venu, j’irai demander ta main à ton père », lui dit Hercule. Pyrène, elle fredonnait chants et ritournelles, d’une voix si mélodieuse que les rayons du soleil eux-mêmes ne pouvaient s’empêcher de percer au travers des arbres pour pouvoir l’entendre. Deux âmes sœurs s’étaient trouvées. Personne ne doutait de leur relation, Hercule ne traînait pas sur les chemins, et chaque soir Pyrène rentrait avec son panier plein de fraises, framboises, myrtilles et de cassis. Aucun soupçon ne pouvait donc se fonder.
L’automne venu, Hercule s’en alla rejoindre Pyrène à la rivière, comme chaque jour. Arrivé au rocher où ils avaient l’habitude de se retrouver, il s’assit et se mit à humer profondément l’odeur de la douce saison des feuilles qui tombent, l’humidité de l’herbe lui envahit le visage, il sentit le vent souffler au travers des arbres et venir lui caresser l’esprit. Au même instant, il entendit dans le ciel le cri d’un aigle royal, qui se mit à tournoyer au-dessus de sa tête, si bas qu’il pût en percevoir son regard induisant. C’est alors qu’il ressentit un fort présage : « Il faut que je reparte ! », comprend-il, car, en effet il lui restait encore quelques travaux à accomplir sur la douzaine qui lui était imposée. Sans plus réfléchir, il prit aussitôt la route vers l’Est, laissant derrière lui rivières, forêts, et Pyrène…
Pyrène arriva sur les lieux à son tour, un peu inquiète de son retard, elle s’assied à son tour pensant que ce n’est rien, qu’il n’est peut être pas en avance également et qu’il ne tardera pas. Elle allait lui annoncer une grande nouvelle, elle porte son enfant… Puis elle ressentit la pierre chaude, là où s’était assis Hercule quelques minutes auparavant, elle comprit alors qu’il venait de repartir. Désespérée, elle se mit à l’appeler à gorge déployée, mais sans réponse d’Hercule elle se mit à courir comme une âme en peine, vire en traversant ronces et broussailles, grimpant à quatre pattes les pentes escarpées de la montagne, pataugeant dans les torrents et marais. Vidée par ses larmes, elle ne s’arrêtait que de temps à autre pour boire un peu d’eau dans les torrents. Puis étendue là, dans l’herbe, elle comprit qu’elle ne le rattraperait jamais et poussa un immense cri de tristesse, dans lequel on percevait la profonde douleur de son anéantissement.
Malheureusement pour elle, les loups qui rôdaient par là furent les premiers à répondre au cri de la jeune fille. Elle lutta sans relâche, se défendit corps et âme avec le bâton qui l’accompagnait, tout en appelant Hercule à son secours, pendant qu’il l’entendrait et viendrait la sauver. Mais en vain… Un énorme ours arriva à son tour et eut raison d’elle, quant aux loups affamés, ils n’en oublièrent pas le reste.
Au loin, Hercule perçut les cris dans la vallée, il reconnut la voix de sa promise. Un fort pressentiment envahit tout son être, il comprit alors que quelque chose de terrible venait d’arriver. Affolé, il partit aussitôt, toutes jambes tendues vers l’endroit d’où venaient les cris. Le pouvoir de l’amour lui décuplait ses forces, il sautait d’un bond les cimes et rivières, survolait les forêts et prairies, mais en arrivant il ne put que constater que des restes d’os rongés qui traînaient sur le sol. Le cœur meurtrit, il se prît alors d’une rage folle et s’empara des pierres qu’il trouva à sa portée pour les jeter sur les loups. Il déposa ensuite les restes de la jeune fille sur un lit de feuilles et de fleurs confectionné par ses soins.
Puis, sur tous les environs, il arracha, remua et empila tous les rochers qu’il trouva, afin d’y bâtir le plus beau tombeau qui n’ait jamais existé, en l’honneur de sa belle. Il mit ensuite le feu et brûla toutes les forêts, bois et pâtures jusqu’aux deux mers. Les marins mêmes qui naviguaient au large ont pu assister la scène avec effroi.
Pour finir, ils se rassemblèrent tous dans la grotte où les plafonds décorés étincelaient, les roches y étaient magnifiquement ornées de fleurs. Une grande cérémonie s’y préparait en l’honneur de Pyrène, toutes tâches et besognes n’avaient d’ordre ce jour pour personne, tous les royaumes et territoires voisins firent le déplacement pour y assister. L’histoire si terrible, toucha le cœur de tous et en avait laissé une trace dans le paysage, gravée à tout jamais. Hercule y prononça alors ces quelques mots : « Afin que ton nom, ne soit jamais oublié par les hommes qui peupleront cette terre, ces montagnes dans lesquelles tu reposes aujourd’hui et pour l’éternité s’appelleront désormais : Pyrénées ! ».
C’est donc ainsi que naquit l’histoire de ces vieilles montagnes des Pyrénées, s’étalent sur deux pays et rejoignant les deux eaux qui les bordent, comme si elles se préparaient à un grand voyage pour ramener la belle vers sa destinée de son amour éternel.
Article : NATURE – L’histoire de Pyrène
Réalisation : Wanderer
Rédaction : Mickaël M
Photos : Wanderer
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