LUCAS RHT – Interview : La Techno Libre #14

Présentation et interview d’un artiste underground : « Une autre écoute sur la techno qui nous entoure… »


LUCAS RHT

  • Nom d’artiste : Lucas RHT
  • Sound System : RHT / Collectif des Insoumis
  • Labels : Fenek Records / Insoumis
  • Styles : Frenchcore, Hardcore, Raw

Pour ce 14ème numéro de La Techno Libre, en pleine période de confinement, c’est avec un grand plaisir que nous publions l’interview de Lucas RHT, en direct de Polynésie française. Ce producteur de frenchcore hardcore a su s’imposer comme un artiste de choix dans le Collectif des Insoumis depuis quelques années. Présents pour remplir le dancefloor à presque tous les gros rassemblements, Lucas propose des beats distordus et incisifs à hauts BPM, toujours agrémentés d’une vraie touche musicale et mélodique propre à sa personnalité. Faisant ses armes très jeune au conservatoire, en pratiquant le piano puis la batterie notamment sur la scène free jazz, c’est dans le milieu électronique et libre des free parties qu’il s’épanouit aujourd’hui.

C’est l’occasion de revenir sur son passé, ses débuts avec la musique électronique et le mouvement free party, mais aussi sur son activité annexe avec le groupe acoustique Natural Respect en tant que batteur. Entre temps, Lucas a sorti son premier EP vinyle en solo sur Fenek Records en septembre 2018, ainsi que le morceau “Insoumission Sonore” sur le premier et double EP des Insoumis, courant 2019.

Interview

En ces temps de confinement, quelles sont tes activités principales ?

En ce moment, je suis chez moi, une petite île perdue au milieu de l’océan Pacifique en Polynésie française. Le confinement est moins strict ici, car il n’y a aucun cas de Covid-19 sur mon île, donc j’en profite. Soleil, cocktail coconut et son, son, son, son, son et re-son ! En temps normal, je travaille en tant que road dans une société d’événementiel, je cherche à acquérir le statut d’intermittent du spectacle.

Ta jeunesse semble avoir été dédiée à l’apprentissage musical relativement conventionnel (conservatoire, piano, batterie). Comment as-tu basculé vers la musique électronique ?

J’ai toujours rêvé d’être dans le mieux musical, dans le jazz notamment. J’étais fasciné par ce milieu de jazzman mi-drogué, mi-pute, mi-proxénète, qui est aujourd’hui totalement aseptisé. À l’époque c’était sexe drogue et jazz. Malheureusement cette époque est révolue… Maintenant le jazz s’écoute à un vernissage de galerie d’art avec une saucisse cocktail et une coupe de champagne à la main. Ce côté élitiste et extrêmement pompeux a fini par avoir raison de moi. Je ne retrouvais plus la flamme des pionniers du jazz qui osaient tout et qui s’en foutaient des règles. Car c’était eux qui créaient leurs propres règles, leurs propres langages, leurs propres lois.

C’est cette sensation que j’ai retrouvé dans la musique électronique, l’absence de règles préétablies qui, par conséquent, te donnait les pleins pouvoirs sur ta créativité et te poussaient à transgresser les règles du musicalement correct. Au plus grand désespoir de mes anciens camarades d’étude musicale qui me disaient : « Lucas, tu es un super musicien, qu’est-ce que tu vas faire de la musique de drogués ? Il n’y a aucune recherche, c’est que du poum tchak ». Et à l’époque ils avaient très certainement raison.

« Un inconnu déguisé en licorne est venu vers moi. Il m’a attrapé par l’épaule, m’a dit viens, et m’a collé devant la façade des DFC. Grosse claque auditive ! »

Lucas RHT

Comment as-tu découvert la free party ? Qu’est ce que ce mouvement représente à tes yeux ?

Je suis arrivé tard dans le milieu de la free, vers 18-19 ans. Une de mes premières teufs était un multison vers Nemours en 2012, et en voyant l’afflux de véhicules et de gens je me suis dit que ça avait l’air d’être un sacré truc de fou ! En arrivant sur le site, j’ai d’abord remarqué l’immensité de l’événement. Imagine une bande de verdure de 600 mètres de long, remplie de façades toutes plus grandes les unes que les autres… Autant te dire, un joyeux bordel. Au début je me suis demandé ce que je faisais ici, puis un inconnu déguisé en licorne est venu vers moi. Il m’a attrapé par l’épaule, m’a dit viens, et m’a collé devant la façade des DFC. Grosse claque auditive !

Selon moi le mouvement free party représente l’autogestion, l’entraide et le partage. Autant de valeurs qui se perdent de plus en plus dans notre société. Quoique peut-être le virus finira par rapprocher et souder plus les gens que quand ils étaient dans leur vie d’avant : métro-boulot-dodo.

« Je n’écoutais absolument pas de hardcore et encore moins de frenchcore, qui était pour moi juste une musique de sauvage à 500 BPM. »

Lucas RHT

Comment expliques-tu ton attrait si particulier et irrémédiable au frenchcore ?

Les premiers à m’avoir donné ma chance étaient les DFC / RHT / Enimatek. C’étaient des teufs hardcore pour la plupart, chez eux il était hors de question de jouer de la trance. Problème, je n’écoutais absolument pas de hardcore et encore moins de frenchcore, qui était pour moi juste une musique de sauvage à 500 BPM. J’étais plus attiré par la trance et la minimal, ou par la drum’n’bass et le dubstep que par du FRcore de cochon. Malgré tout, je décide de m’y mettre, mais attention. Mes seules règles étant la structure, les mélodies et la musicalité. Ce qui, je pense, fait ma force dans ce style. Une destruction structurée. Je n’écoute pas beaucoup de frenchcore en réalité même si je garde toujours une oreille attentive à l’évolution du style.

De quels genres musicaux tires-tu tes inspirations ? notamment tes mélodies entêtantes ?

Je tire mes inspirations de différents styles, pour plusieurs raisons. Le jazz et le hip-hop me servent pour la structure, le classique pour la musicalité, la trance pour les drops avec leurs énormes silences en fin de pattern, mais aussi des groupes de rock/metal Iron Maiden et AC/DC pour les riffs et les mélodies entêtantes.

Tu as sorti ton premier EP vinyle en solo sur Fenek Records en 2018, suivi d’un morceau sur le double EP des Insoumis. D’autres projets de ce type sont-ils à prévoir prochainement ?

Oui, il y aura bien un prochain EP vinyle courant 2020 et toujours chez Fenek Records. Attention ça risque de faire très mal. En ce moment je bosse beaucoup avec un jeune artiste du nom de Aven, mon petit protégé avec qui nous allons composer dans le milieu de la hard music.

Concernant le vinyle Insoumis 01, c’est notre tout premier projet musical en commun avec le collectif, notre bébé a nous. Néanmoins, le projet a eu bien des misères à arriver à son terme, nous avons rencontré pas mal de problèmes pré et post-production qui nous ont fait perdre un temps et une énergie assez conséquents. Mais ça y est ! Il est enfin sorti ! Ma track semble être un reflet de ce qui m’anime dans ce milieu : la force, le partage et l’unité sont les maîtres mots dans cette “Insoumission Sonore”.

« Avec Naturel Respect, quand on vient quelque part on se déplacent avec notre matos, notre sono, nos zikos, et en avant Guingamp ! Exactement dans l’état d’esprit des Insoumis : autogestion et autonomie. »

Lucas RHT

Tu es également batteur dans le groupe Natural Respect. Quelle est son histoire ?

Je suis également batteur pour le groupe Natural Respect, une bande de copains où l’on jouent des compos originales. C’est un mélange de reggae, hip-hop, jazz, punk, anarcho-engagé ! Alex (lead chant) est un ami de très longue date, avec qui je jouais déjà dans un groupe de reggae appelé Push-k quand j’avais 18 ans. J’étais bassiste et lui guitariste, puis nos routes se sont séparées. Je suis parti dans la musique électronique et lui, étant déjà multi-instrumentiste, s’est spécialisé dans l’écriture et le management de son propre groupe, Natural Respect. Puis il n’y a pas si longtemps, nos routes se sont recroisées. Il avait besoin d’un batteur et moi je brûlais d’envie de me remettre derrière une batterie. C’est comme ça que c’est reparti.

J’ai fait connaissance avec le reste du groupe et ironie du sort : Apamée (la saxophoniste) est une ancienne Tekmanta, et Paul notre ingénieur du son est aussi un Tekmanta. Les mecs sont partout, c’est pire qu’une mafia ! (rires) Il y a aussi Johaness au sax, Nico à la guitare ainsi que Sam à la basse. Nous tenons vraiment à être un groupe autonome. Quand on vient quelque part on se déplacent avec notre matos, notre sono, nos zikos, et en avant Guingamp ! Exactement dans l’état d’esprit des Insoumis : autogestion et autonomie. Quand je leur ai parlé de jouer en free party à la Fugitifs Sonores (19 au 22 avril 2019, ndlr), ils étaient plutôt emballés par l’idée. Et boom, nous voilà programmés sur cette super teuf du Collectif des Insoumis. Nous avons aussi fait la scène alternative du Tek’Steeve’All (11 au 13 octobre 2019, ndlr) avec exactement le même process. D’ailleurs j’en profite pour faire un gros big up à Merco et son équipe, ainsi que Lexa Pas Tout Seul, mais aussi tous les artistes venus soutenir la lutte. Et bien sûr un gros respect au Ramoneurs De Menhir !

Soundcloud / Facebook / Discogs


Article : LUCAS RHT – Interview : La Techno Libre #14
Réalisation : Wanderer
Visuel : Wanderer
Photos : Ed Tek, Emilie Lechevalier

Interview : Lucas RHT
Musiques : Lucas RHT

Mouvances Libres


Votre avis sur cet article