PRÉVENTION – Le testing

Mis en place dans les années 90 par des associations de RDR, le testing de drogue est interdit par les pouvoirs publics dans l’ensemble des pays de la Communauté Européenne en 2004. Cette pratique jugée insuffisante, pouvait donner un faux sentiment de sécurité au consommateur. Depuis les associations tentent de nouvelles méthodes, comme L’Orange Bleue en Bretagne qui souhaiterait créer un laboratoire mobile d’analyse de drogue. Explications du testing, dit colorimétrique, par Techno+.
Par Techno+
Article paru dans le magazine Mouvements Libres n°2, en décembre 2015.
Oyé jeune fêtard, vieux teufeur ou rêveur invétéré… Toi qui nous demandes au stand si tu peux faire tester ton prod. Peut-être parce qu’à une époque tu avais l’habitude de le faire auprès d’asso de Réduction Des Risques (RDR) avec les fameux tests colorimétriques. Hélas, sache que depuis 2004 en tant qu’association, le testing colorimétrique nous est interdit. Attention, je dis bien pour les associations, car en tant que particulier il est tout à fait légal.
« S’informer ne nuit pas à la santé »
Tu peux même trouver sur internet tout le nécessaire pour un testing en bonne due forme. Il est aussi possible de réaliser soi-même son réactif, mais attention, des précautions sont à prendre sinon cela peut se révéler dangereux à cause des différents composants. Pour exemple : le réactif du Marquis est constitué de 9 volumes d’acide sulfurique concentré pour un volume de formaldéhyde (formol). On évite de se le renverser sur les pieds et mieux vaut porter un masque pour faire le mélange avec des grosses quantités.
Les tests colorimétriques, aussi appelés tests chimiques, fonctionnent tous sur le même principe. En pratique ils nécessitent une surface propre et lisse, comme le dos d’une assiette, et d’une paire de gants pour éviter les brûlures que pourrait entraîner le contact du réactif avec la peau. Le plastique et le métal sont à proscrire, le réactif étant corrosif. Une lame plate sans dent que l’on nettoiera entre chaque test à l’acétone (ou alors, nettoie super bien ta lame à l’eau !). On dépose quelques gouttes de réactif sur un échantillon du produit. Il faut savoir qu’une infime quantité de poudre ou de cacheton suffit pour réaliser le test, on parle en général d’une tête d’allumette. Une réaction colorée se produit. On va ensuite comparer celle-ci à un diagramme de couleur fourni avec les tests ou trouvable sur internet.
Différents tests colorimétriques
Il existe différents types de tests chimiques colorimétriques, comme celui de “Mecke” qui présumera la présence d’opiacés ou encore celui de “Mandellin”, qui présumera aussi celle de kétamine et de PMA. Le plus connu de tous est le réactif du Marquis, c’est donc lui qui permet de présumer la présence ou l’absence de MDMA ou d’amphétamines dans les ecstas par exemple.
Le problème est que les testings colorimétriques ne donnent aucune indication sur la composition du produit (produit de coupe) ni sur les dosages. Ils ne permettent pas non plus d’identifier de nouveaux produits. Un exemple récent : une héroïne vendue sur le darknet est coupée à l’ocfentanyl qui est un opioïde de synthèse 80 fois plus puissant que la morphine. Dans tous les cas, cette méthode de testing ne permet pas d’affirmer la dangerosité ou non de la consommation. Le testing permet en clair de constater l’absence d’un produit recherché comme la kétamine, la MDMA et la cocaïne selon le type de réactif utilisé. Ce qui est déjà pas mal pour écarter tout produit qui serait en réalité une carotte ou un produit vendu pour un autre, comme nous l’avons souvent vu avec les RC (research chemical) ou les NPS (nouveaux produits de synthèse).
Savoir où et comment se renseigner
Malheureusement, la France accuse un sérieux retard par rapport à beaucoup d’autres pays voisins européens, en matière d’analyse et d’information sur les drogues pour les consommateurs. La circulation des drogues ne s’arrête pas aux frontières, il ne faut pas hésiter à consulter les bases de données d’informations et d’alerte sur les drogues de nos amis belges, suisses et autrichiens. Certaines associations européennes de RDR font elles aussi de l’analyse de produit, comme Modus Vivendi en Belgique, Wedinos au Pays de Galles, ou encore Energy Control en Espagne. Il ne faut pas hésiter à visiter leur site internet.
Il existe aussi des bases de données mondiales, faites par et pour les consommateurs, comme celle d’Erowid, DrugsData, ou encore Pill Reports. Non soumises aux réglementations françaises, elles peuvent représenter une alternative intéressante en matière de test de prods. Cependant, la nouvelle loi de santé publique qui vient d’être votée prévoit le développement de l’analyse des drogues en France par les associations de RDR. Un espoir et une base légale que Techno+ va bien sûr exploiter.

Édit novembre 2019
La situation n’a pas beaucoup évolué depuis 2004 et la loi de santé publique interdisant le testing par les associations dans les pays de la Communauté Européenne. Certaines essayent tout de même de nouvelles possibilités et ont confiance en l’avenir. Par exemple L’Orange Bleue, active dans le secteur breton, souhaite créer un laboratoire mobile d’analyse de drogue, pour une somme avoisinant les 40 000€. Sur la référence d’un spectromètre, les tests sont ainsi plus précis et permettent d’analyser la composition des drogues classiques et autres, dîtes de synthèse.
Une carte interactive réalisée par l’OFDT disponible sur le site internet de Freeform, recense et géolocalise les 340 dispositifs actifs sur l’ensemble du territoire français répartis en trois catégories : Réduction Des Risques, Collecte et analyse de produit et Intervention en milieu festif.
Ces associations interviennent grâce à des subventions pour certaines, et totalement en autonomie pour d’autres, mais surtout grâce aux nombreux bénévoles présents sur chaque intervention. En voici quelques noms : Aides, ASCODE, Association Charonne, Bus 31/32, Fêtez Clairs, Keep Smiling, Korzeame, Le Tipi Festif, L’Orange Bleue ou encore Prév’en Teuf. À noter que certaines associations comme Techno+ possèdent différents pôles géographiques, comme à Paris, à Bordeaux et à l’Ouest.

Mouvances Libres
Article : PRÉVENTION – Le testing
Réalisation : Techno+ pour Mouvements Libres
Édit : Erwan
Visuel : D.R.
Photos : Korzéame, 20minutes, Techno+